Né en 1831, Tin-tun-ling est un homme de lettres chinois, réfugié politique en France. Théophile Gautier l’a rencontré à Paris, s’est pris d’amitié pour lui, et l’a embauché pour donner des cours de chinois à sa fille Judith. Celle-ci, imprégnée de culture extrême-orientale, s’amusait à se faire passer pour la réincarnation d’une princesse chinoise.
A Neuilly, Gautier présente à ses amis (les Goncourt, Flaubert) celui qui est surnommé « l’éminence jaune du Parnasse » et qui leur permet d’entrer en contact de manière privilégiée avec la poésie orientale. Tin-tun-ling était très reconnaissant à Gautier de l’avoir recueilli, comme en témoigne la courte lettre servant de préface à son ouvrage La Petite Pantoufle, citée par Emile Bergerat dans ses Souvenirs d’un enfant de Paris, chapitre « Le Chinois de Gautier » (nous n’en citons qu’un extrait) :
Tin-tun-ling au public français.
J’ai composé cette histoire en prison.
Quoique je ne sois qu’un pauvre lettré chinois de la province de Chang-Si, vous la lirez peut-être avec intérêt.
Quatorze années sont tombées dans l’oubli depuis que j’ai quitté l’Empire du Milieu. J’ai marché sur la terre de vos ancêtres, et j’ai trouvé les hommes de l’Occident bons et généreux.
Un jour, dix mille fois heureux, j’ai rencontré Théophile Gautier. Son coeur était vaste et bienveillant ; il m’a ouvert sa maison où je suis entré. Il fut pour moi comme un hôte céleste et une bienfaisante lumière. Il a salué le siècle ; que son corps soit tranquille.
(…) 25 juin 1875
Tin-tun-ling, de la province de Chang-Si
Tin-tun-ling a habité un pavillon construit sur le modèle de l’architecture chinoise, dans le jardin du Pré aux Oiseaux – la maison de Judith à Saint-Enogat. Après la mort de Gautier, en 1872, Tin-tun-ling épousa une française, Caroline Julie Liégeois, qui l’accusa ensuite de polygamie (il était vraisemblablement déjà marié en Chine) : suite à un procès, il fut acquitté.